Les femmes osent les sciences ! « Infinités Plurielles », une exposition de 17 portraits accessible par tous et toutes.
A travers une démarche égalitaire, la Collectivité Territoriale de Martinique accompagne la jeunesse martiniquaise dans la construction de ses projets professionnels d’ici ou d’ailleurs.
Soucieuse de réduire le déterminisme social et de promouvoir le champs des possibles, elle a acquis une exposition réalisée par Marie-Hélène Le Ny.
Ici, l’artiste rend visible 17 femmes d’exception, vues pour la première fois, dans le cadre du Salon FORMEO 2020. Désormais, présentée sur le site de la CTM, l’exposition sera itinérante et planifiée dans les établissements scolaires ou tout autre organisme demandeur.
Elle nous interroge sur la place faite à l’intelligence et aux compétences encore malmenées par les idées reçues sur les filles ainsi que sur les femmes, et les préjugés sexistes persistants.
Venues de toute la France, c’est dans les coulisses mystérieuses de notre vaste monde que ces 145 scientifiques nous entraînent avec passion… Chimistes, biologistes, mathématiciennes, (astro)physiciennes, juristes, historiennes, climatologues, informaticiennes, économistes, géologues, médecins, philosophes, sociologues… jeunes chercheuses, professeures ou ingénieures, elles travaillent dans le privé ou dans le public et nous racontent les recherches les plus actuelles et parfois les plus étonnantes du monde contemporain…
Le Ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation a choisi l ’artiste Marie-Hélène Le Ny pour réaliser cette exposition de portraits sonores de femmes de science – parce qu’elle a une façon bien à elle de nous emmener à la rencontre de ses sujets, de traverser les apparences et de provoquer en nous des questionnements.
C’est en cela que la démarche artistique de Marie-Hélène Le Ny rejoint l’action politique du ministère qui place la lutte contre les stéréotypes de genre au cœur de son action, la force de l’exemple fait émerger de nouveaux modèles. Cette création artistique, initiée en 2013, rend visibles des femmes qui poursuivent des carrières scientifiques alors même que ces carrières apparaissent majoritairement masculines.
Infinités plurielles, en donnant la parole à des femmes reconnues scientifiquement, a l’ambition de susciter des vocations, de déplacer les frontières, d’enrichir les échanges d’idées et de nourrir le débat autour de l’égalité.
Les 17 portraits acquis par la Collectivité de Martinique :
(sur Ordinateur, passez la souris sur les images, sur mobile, touchez a peine les images, pour faire apparaitre la description)
« J’aime raconter les mathématiques – que ce soit au grand public ou aux industriels. Vous avez des objets abstraits que l’on manipule, que l’on fait interagir entre eux, et qui d’une certaine façon ont une vie propre, un peu comme les personnages d’un livre. On n’apprend pas les mathématiques contemporaines à l’école, mais la recherche en mathématiques se poursuit. Les mathématiciens se posent des questions, cherchent, se rencontrent. Il y a une grande diversité dans les domaines des mathématiques et dans les manières de travailler. Je rencontre des mathématiciens et des mathématiciennes qui m’exposent leurs recherches. Pour faire comprendre l’importance de l’équation de Navier-Stokes, j’ai coécrit le scénario d’une bande dessinée avec un mathématicien.
A la Fondation Sciences Mathématiques de Paris, nous produisons des articles et des vidéos pour montrer des mathématiques vivantes, et nous finançons des programmes de recherche et de formation.Les maths sont une discipline peu féminisée, il y a des stéréotypes qui perdurent, notamment dans l’éducation. De nombreuses études montrent que les professeurs ont tendance à ne pas traiter tout à fait les garçons comme les filles, et les élèves à se surestimer pour les garçons, et à se sous-estimer pour les filles – à résultat égal. Cela nuit beaucoup à l’image que les femmes ont d’elles-mêmes à propos de leur capacité à faire des sciences. A l’université, la proportion de femmes professeures de mathématiques est encore faible. L’éloge de la précocité en mathématiques peut aussi desservir les femmes qui font des enfants à ce moment-là. Et puis l’esprit de compétition et l’agressivité propre à la compétition ne sont pas valorisés chez les filles. Pourtant, parmi les meilleures mathématiciennes mondiales, il y a beaucoup de françaises. J’espère qu’en 2014, à la prochaine remise des médailles Fields, il y aura enfin une, voire plusieurs femmes ! »
« J’aimais l’idée d’être en compétition avec des garçons. Au Cameroun, j’ai fait un bac scientifique où sur 70 élèves il y avait 5 filles. J’ai choisi la filière informatique parce que c’était très sélectif, nous y étions aussi très peu de filles. Dans toutes les cultures il reste encore un gros travail à faire sur les mentalités pour obtenir une égalité réelle avec les hommes. Après mon master 2, je me suis engagée dans un projet de volontariat avec l’agence universitaire de la Francophonie au Niger, afin de mettre en place une politique de migration vers les logiciels libres et des programmes de formation pour les enseignants, les étudiants et les entreprises. Je rêve de collaborer à des projets éducatifs. Apprendre à l’autre, transmettre les connaissances, ce n’est pas seulement donner mais c’est recevoir – cela engage la discussion, le partage et la connaissance. Il faut toujours améliorer sa connaissance pour la transmettre correctement à l’autre. Citoyenne du monde, je suis prête à travailler partout.
Je travaille sur tout ce qui est systèmes embarqués – les Smartphones, les tablettes, les boxes… Dans le cadre de ma thèse, mon objectif est d’aider les développeurs d’applications multimédias, de leur fournir un outil qui leur permette de rendre les programmes plus efficaces en faisant une analyse plus rapide. La technique d’analyse est basée sur les traces d’exécution – une lecture de tout ce qui se passe pendant l’exécution d’un programme, côté équipement et côté application. Un petit programme trace les événements qui ont lieu pendant l’utilisation et ce fichier de traces d’exécutions est utilisé pour l’analyse afin de détecter s’il y a eu un problème pendant l’exécution de l’application ou pas.Le challenge des traces ? Elles sont volumineuses. Mon défi est d’aider le développeur à les structurer, à simplifier leur exploration et à mettre en place de nouveaux outils sémantiques qui lui permettront de faire cette analyse. »
« Je suis un fin gourmet! Je pense que c’est en partie pourquoi je me suis inscrite à l’École Supérieure d’Ingénieurs Réunion Océan Indien (ESIROI), au sein du département agroalimentaire. C’est l’occasion pour ceux de l’île de la Réunion et des autres habitants de l’océan Indien d’avoir une école d’ingénieurs qui leur permet de suivre un cursus international grâce aux différents stages que nous sommes amenés à réaliser dans différents pays. Dans ma première année, j’ai commencé par un stage d’entrée de gamme. J’ai travaillé sur une ligne de production où j’ai pu vivre ce que c’était d’être un ouvrier d’usine jour après jour. Pour certains, cela faisait vingt ans leur quotidien. En position de responsabilité, il faut penser à ceux qui réalisent les tâches de production et modifier leurs conditions de travail pour qu’ils soient plus supportables. Au cours de ma troisième année, j’ai été encouragé à faire un stage sur la qualité et à ma quatrième année j’ai effectué un stage de recherche.
J’ai choisi de me spécialiser dans la qualité et le packaging afin de développer les connaissances que j’ai acquises au cours de mes différents stages. Cela me donne un aperçu de la qualité, de la sécurité et de l’environnement. Nous travaillons d’un point de vue chimique sur les interactions qui peuvent se produire entre les aliments et les emballages pour identifier les contaminants que le consommateur pourrait finir par ingérer. J’ai eu l’occasion de rechercher comment produire des emballages qui pollueraient moins et généreraient moins de déchets. Pour toutes ces raisons, l’emballage est aussi important pour le consommateur que la nourriture qu’il contient. Après mes études, je souhaiterais trouver un emploi dans l’emballage ou la production qui pourrait me fournir des opportunités de recherche, et peut-être un jour gérer une usine. Ce serait une victoire pour moi en tant que femme, scientifique et réunionnaise! »
« L’embryologie est un domaine fascinant dans lequel ma recherche m’a permis de mettre au point une technique qui m’a ouvert des possibilités très intéressantes… J’ai eu l’idée de faire des chimères. Je voulais savoir ce qu’une région particulière de l’embryon allait devenir en se développant. Il fallait qu’elle soit marquée. Je l’ai enlevée à un stade précoce du développement chez l’embryon de poulet, et remplacé par l’équivalent provenant d‘un embryon de caille – j’avais observé que les noyaux de leurs cellules étaient différents. Cela me permettait de suivre les cellules issues du greffon même si elles s’étaient beaucoup dispersées et multipliées. J’ai un souvenir merveilleux du jour où j’ai observé les premiers résultats de cette expérience : c’était spectaculaire de voir ce qu’était devenues les quelques cellules que j’avais greffées. Elles appartenaient à une structure de l’embryon appelée Crête Neurale. Les cellules de la crête neurale sont de véritables cellules souches.
Les connaissances acquises en biologie du développement ces dernières décennies ont ouvert des voies insoupçonnables auparavant, dans de nombreux domaines, notamment en ce qui concerne l’Assistance Médicale à la Procréation (ou AMP) qui s’est beaucoup développée au cours de ces dernières années et qui permet à des couples stériles de concevoir des enfants. On a même montré que l’on pouvait utiliser une femme simplement pour jouer le rôle d’incubateur d’un enfant qui a commencé sa vie dans un récipient de culture.
Ces techniques, tout en posant des problèmes éthiques qu’il ne faut pas négliger, ouvrent des perspectives nouvelles et revêtent une importance sociétale considérable. Elles font partie des nombreux problèmes posés par les progrès scientifiques dont nous discutons à l’Académie des sciences et au sujet desquels nous sommes amenés à conseiller le gouvernement. »
« En descendant l’escalier du lycée, je suis tombée sur une affiche de l’IUT de statistiques. J’étais passionnée de maths mais ne voyais pas à quoi servait la mathématique théorique. Je me suis dit : » C’est là que je veux aller. » Aujourd’hui je n’ai plus envie de faire de statistiques, je crois qu’on fait beaucoup d’erreurs avec. Souvent les statistiques sont vues comme une recette de cuisine alors que ce sont des outils qui ont besoin de rigueur. On peut leur faire dire tout et n’importe quoi parce qu’on adapte mal les méthodes, on ne respecte pas les règles d’application. La statistique permet de quantifier, pas de comprendre. Ce n’est qu’une représentation d’un instant » t « . L’important après, c’est l’interprétation. Ce qui m’intéresse surtout en fait, ce sont les méthodes qualitatives. L’intérêt des entretiens qualitatifs, c’est de saisir si vraiment l’usager comprend ce qu’il fait, avec quoi il le fait, et si vraiment cela lui sert à quelque chose…
Un simulateur de chirurgie orthopédique pour l’apprentissage a été construit en alliant nos compétences : celles de la didacticienne qui devait comprendre quelles connaissances il fallait pour faire tel geste, celles du chirurgien qui a participé à l’élaboration des connaissances, celles d’une informaticienne et les miennes pour l’aspect protocole. Une fois que le simulateur a été intégré, nous l’avons mis dans les mains de chirurgiens et d’internes, pour regarder comment ils l’utilisaient afin d’améliorer l’application, d’imaginer comment on pourrait remédier à l’erreur que fait l’interne, quels outils on peut lui donner, quelles pages de cours il doit aller lire… Construire des environnements informatiques pour l’apprentissage humain est un des objectifs du laboratoire d’informatique de Grenoble. Nous travaillons là-dessus en équipe, pour réussir à produire des outils intelligents et utiles – des outils qui ont du sens. »
C’est portée par les vents de liberté et d’égalité qui ont soufflé dans les années 70 et forte des droits acquis suite aux luttes féministes que, née fille, j’ai pu devenir une femme libre et choisir d’emprunter les voies de l’art.
La domination masculine archaïque me paraissait en déclin et ses injonctions stéréotypées promises à la disparition. Au fil des années, j’ai du me rendre à l’évidence, elle résistait, parfois violemment.
Les règles du jeu mondial restaient principalement écrites par les hommes et pour les hommes. Les femmes disposant, pour les plus chanceuses, d’aires de liberté soigneusement balisées.
« Le sujet de ma thèse de biologie au CNRS Orléans était les récepteurs de l’immunité innée dans les maladies infectieuses comme le paludisme et la tuberculose. J’ai étudié les différentes molécules à la surface des macrophages et des cellules dendritiques qui peuvent nous aider à lutter contre les parasites et les bactéries. La tuberculose continue de faire rage dans les pays émergents. Elle est due à des bactéries plutôt sournoises qui ont tendance à se réfugier dans les organes profonds et qui peuvent se réactiver. Le paludisme cérébral, transmis par le moustique anophèle, sévit en Afrique où il est mortel dans 1% des cas. Il existe des traitements contre le paludisme, mais il n’y a pas de vaccin car c’est un parasite qui se développe en plusieurs étapes. Les cellules hôtes devraient acquérir une mémoire pour pouvoir développer un vaccin. Nous essayons donc de développer des thérapies plus efficaces.
Je suis chef de projet ARTIMMUNE et je gère une équipe de sept personnes. Dans notre équipe de recherche, nous travaillons principalement sur l’asthme allergique et les inflammations pulmonaires. Trois facteurs ont été identifiés comme provoquant des allergies qui affectent environ 10% de la population mondiale: les facteurs environnementaux, les facteurs génétiques et la pollution. Nous proposons des modèles de maladies humaines chez la souris, sur lesquels nous testons l’efficacité de futurs médicaments. Il y a beaucoup de femmes biologistes, mais il y en a peu aux postes de direction. Les responsabilités domestiques continuent d’entraver leur progression professionnelle. De plus, les difficultés à obtenir des financements entraînent une concurrence féroce entre les équipes et une course à la publication des travaux. Pour aller de l’avant, il faut nourrir la soif d’apprendre et de découvrir, qui conduit à se poser les bonnes questions ! »
« L’écotoxicologie est l’étude de la façon dont les écosystèmes subissent et s’adaptent à la présence de substances toxiques dans l’environnement. Je suis venue à l’écotoxicologie des milieux aquatiques en travaillant sur l’impact des zones urbanisées sur les rivières. J’avais envie de comprendre comment le vivant réagissait à ces contaminants. Depuis une quarantaine d’années, le plastique a investi nos modes de vie. Très pratique, il est imputrescible, mais c’est aussi son gros défaut. Nombre de morceaux de plastique abandonnés finissent par ruisseler jusqu’à la mer. C’est ainsi que dans le Pacifique s’amassent d’énormes quantités de plastiques de toutes tailles, ils sont extrêmement nocifs pour toute la faune, car ils accumulent les contaminants organiques et ils sont ingérés par des tortues, des oiseaux ou des poissons petits et gros. Ils les contaminent et sont probablement la source de nombreuses pathologies que l’on observe chez ces animaux marins.
La grande chance des scientifiques c’est de pouvoir vivre au quotidien dans l’exigence intellectuelle, dans la rigueur de la réflexion, et de continuer à s’émerveiller devant la complexité de la nature, des processus qu’on ne comprend pas encore, des choses qui nous dépassent et auxquelles on peut quand même essayer de se colleter…
A l’Ifremer, nous cherchons à comprendre quelles sont les richesses de la mer avant de pouvoir, éventuellement, les exploiter de façon durable. Il y a les richesses biologiques – la biomasse, les poissons, les coquillages, les algues, mais aussi les énergies marines renouvelables – dues au mouvement de l’eau et à l’inertie thermique, les éoliennes qui captent le vent en mer… Avec la pression démographique, on demande à la mer de nous fournir de plus en plus de nourriture, et si ces produits marins devenaient contaminés, on serait handicapés dans notre utilisation des ressources alimentaires de la mer. »
« La science permet de créer, j’ai un goût particulier pour la création, je voulais soit être architecte, soit être scientifique ! J’ai opté pour la science et décidé de travailler sur la qualité des produits agroalimentaires. A la base je suis ingénieure agronome et j’ai fait un DEA de physico-chimie. Je me suis spécialisée en spectrométrie proche infrarouge. C’est une méthode de mesure de la composition des produits, des milieux, des objets… Elle consiste à projeter de la lumière – la lumière du soleil ou d’une lampe – sur un objet puis à analyser la lumière qui en sort. Grâce à elle, nous arrivons à connaître la composition de ce que l’on regarde. Nous avons commencé à travailler sur des produits alimentaires – pour évaluer le goût des fruits on mesure le sucre qu’ils contiennent. Ensuite, j’ai appliqué cette méthode à d’autres champs. Je me suis intéressée à la qualité des sols.
La spectrométrie proche infrarouge est utilisée aujourd’hui pour sélectionner les déchets recyclables. En France, nous avons la deuxième entreprise mondiale qui utilise cette technologie pour trier les poubelles. Elle est également utilisée dans l’industrie, en archéologie, en écologie aussi… et même pour regarder le niveau d’oxygénation du cerveau des bébés ! C’est complètement inoffensif. Chaque fois que l’on s’intéresse à une application nouvelle, des questions de recherches nouvelles émergent.
Dernièrement, j’ai évolué vers un autre sujet scientifique : l’évaluation environnementale. Nous cherchons à réduire notre empreinte environnementale et pour la réduire, il faut connaître tous ses impacts… Nous travaillons sur l’analyse du cycle de vie, une méthode très robuste mais complexe. Elle va nous permettre de mieux choisir les produits que nous consommons.
« Je rêvais d’être la première femme astronaute et j’ai fait une thèse au laboratoire d’astronomie spatiale au CNRS avant d’entrer dans un laboratoire de recherche en mathématiques appliquées et informatique. Depuis toute petite je suis passionnée par la compréhension des formes et de leurs dimensions dans l’espace. Je voulais aller au-delà des apparences en utilisant des techniques à la frontière entre le traitement du signal et l’informatique. A Inria, j’explore la vision par ordinateur. J’ai modélisé des photographies numériques avant de travailler sur la vidéo. Avec une puissance de calcul qui permet de faire tourner des algorithmes en temps réel, j’ai sondé le domaine de la 4D – les trois dimensions spatiales, plus le temps – ce qui a permis des applications pour la sécurité dans les transports avec la vidéosurveillance. A échelle plus microscopique, nous avons déposé un brevet sur la reconnaissance de pollens allergisants.
On ne naît pas scientifique, on le devient ! On le devient de différentes manières, parce qu’on essaye de comprendre – enfant j’ai démonté une poupée pour comprendre le mécanisme du battement des cils -, parce que quelqu’un prend le temps de répondre à nos interrogations… mon père a démonté complètement le moteur de notre voiture tout simplement pour répondre à notre question sur le fonctionnement du moteur, en détaillant toutes les pièces et en les posant par terre… Un scientifique s’énerve un peu quand il ne sait pas, donc il creuse, il ose, il s’ouvre des horizons. Il sait qu’il n’a pas toutes les compétences et il va les chercher. Une équipe de recherche est un outil fondamental, c’est un ensemble de chercheurs avec des compétences techniques, des âges et des cultures différentes qui ont tous un objectif commun et travaillent ensemble dans la même direction. La science est vraiment un jardin ouvert à tout le monde. »
« Ingénieure de recherche dans le Laboratoire de Mécanique et Matériaux du Génie Civil, au sein de l’Université de Cergy-Pontoise, j’aide les chercheurs dans leurs projets, notamment dans la caractérisation physico-chimique des matériaux du génie civil puisque c’est ma formation initiale. Je m’occupe aussi de la gestion des locaux, du bon fonctionnement quotidien du laboratoire et des questions d’Hygiène et Sécurité. La physico-chimie des matériaux traite de leur fabrication, de leur élaboration mais aussi de la caractérisation de leurs propriétés. Dans ma première expérience professionnelle, j’ai travaillé sur le traitement de surface du zinc. Le but était de le colorer tout en conservant son aspect et ses propriétés. Aujourd’hui, je travaille sur les matériaux cimentaires, notamment sur la fabrication de nouveaux matériaux à propriétés particulières, mais aussi sur l’interaction de ces matériaux avec leur environnement (tenue au feu, résistance au gel…)
Le recyclage d’anciens bâtiments, qui doivent être démolis, est un tout nouveau projet du laboratoire. L’idée, c’est de les réutiliser pour construire de nouveaux bâtiments. Les gravats sont récupérés, cassés puis broyés pour obtenir à nouveau soit du sable, soit des cailloux. La difficulté, c’est que ces matériaux-là ne sont pas « purs », ils ont déjà une histoire.
Les phases d’études doivent permettre de déterminer s’ils vont être suffisamment bons pour la construction. Une deuxième voie est explorée pour le recyclage. Il s’agit de prendre des déchets pour les incorporer aux matériaux de construction. Par exemple de la vase ou des argiles, issues de bassins d’Algérie ou de Tunisie, sont revalorisées dans la fabrication des bétons. Nous visons également la diminution du bilan carbone des matériaux de construction par l’utilisation de nouveaux procédés car la fabrication du ciment est très énergivore et très polluante. »
« » Pourquoi les arbres tiennent-ils debout ? » Ce sujet de thèse entrepris dans le cadre d’une recherche sur la forêt et le bois en Guyane m’a toujours suivi. J’étais entrée au ministère de l’agriculture à la sortie de l’école polytechnique parce que j’avais le goût du service de l’État et je me suis retrouvée dans les sciences du bois, le début d’une grande aventure !
Pourquoi les arbres tiennent-ils debout et comment fabriquent-ils le bois qui leur permet de tenir debout ? Pourquoi ça tient ? Parce que c’est vivant, parce que ça pousse progressivement à la périphérie, sous l’écorce et que ça a la capacité de se réguler – par exemple un arbre qui prend un peu le vent va arrêter de pousser en hauteur pour se solidifier, faire des racines. S’il commence à s’incliner, il est capable de percevoir son inclinaison et de mettre en place des systèmes pour se remettre droit. C’est ce qui permet aux arbres, avec un petit poteau en bois, d’atteindre des hauteurs gigantesques.
» Études des ressources forêt-bois « , c’est le nom du laboratoire que je dirige à Nancy, celui de l’école qui forme nos ingénieurs forestiers de l’écologie jusqu’au matériau bois. Dans ce laboratoire sont associés des physiciens du bois avec des écologues des arbres. Le premier attrait de la recherche, c’est la créativité, le second c’est de travailler avec des humains sur des projets communs – et pas seulement avec des instruments de laboratoire.
Ce n’est pas simple de gérer les forêts dans un pays très centralisé, avec une propriété forestière compliquée – 75 % des forêts sont privées. Les forêts françaises sont très diversifiées car la France est au confluent de différentes influences climatiques. Les temps de la gestion forestière sont très longs – surtout dans les feuillus, alors que le marché industriel change tous les 2/3 ans et que tous les opérateurs de la filière sont interdépendants. Le chêne est vraiment l’espèce emblématique de la forêt française avec une utilisation séculaire : le tonneau… »
« En m’intéressant aux processus de mémoire, j’ai fait une thèse de neuroscience sur les bases neuronales de la mémoire. J’ai commencé à travailler sur les processus de mémorisation en utilisant un modèle expérimental animal qui était proche de l’homme.
Au sein d’une équipe du CNRS, je monte un projet assez ambitieux qui vise à comprendre comment le cerveau – au niveau des neurones – représente l’espace qui nous entoure, comment les neurones nous permettent de nous orienter, comment nous naviguons d’un point à l’autre de notre milieu.Pour cela, j’entraîne des singes à se déplacer dans un environnement de réalité virtuelle. Les animaux y arrivent très bien en utilisant des joysticks. Pendant qu’ils effectuent leurs tâches de navigation, nous pouvons regarder ce qui se passe à l’intérieur de leurs cerveaux et comprendre ce qui sous-tend – au niveau de l’activité neuronale – ce qu’ils sont en train de faire.
Comprendre comment le cerveau construit une carte spatiale en fonction de ce qu’il voit, des repères spatiaux de l’environnement. Dans mon travail, il y a la relation avec le singe et puis après, un long travail d’analyse – un travail beaucoup plus mathématique, de traitement, de programmation, d’analyse de données. C’est tout aussi passionnant, c’est là qu’on voit et qu’on commence à comprendre ce qui se passe au niveau du cerveau. La mémoire spatiale est l’une des premières mémoires qui peut être détériorée dans les maladies du type de la maladie d’Alzheimer, après des lésions cérébrales ou après des traitements pharmacologiques comme chez les dépressifs. C’est un travail de recherche fondamentale, mais il peut servir de base pour cibler des traitements pharmacologiques qui vont en fait eux-mêmes cibler des neurones ou des aspects neurochimiques spécifiques de la formation de la mémoire. »
« Les écosystèmes côtiers sont très variés, que ce soit au niveau de leur nature ou de leur fonctionnement, mais très vulnérables aux activités anthropiques qui se développent de plus en plus avec la population et le tourisme littoral. Pour les protéger, il faut savoir ce qui va avoir un impact sur eux. La zonation, c’est la manière dont les écosystèmes sont constitués, de la plage jusqu’au niveau où la mer se retire au plus bas. La zonation des algues, organismes fixés, se fait par ceintures. On a la ceinture Fucus serratus, puis la ceinture Ascophyllum nodosum etc… On retrouve partout la même zonation des algues, avec des variations d’espèces. A chaque espèce d’algue et de canopée sont associées des espèces animales et algales qui vivent ensemble. Quand on retire la canopée principale, on perturbe toutes ces espèces et ça bouleverse la chaîne alimentaire et écologique autour. Je travaille sur l’impact de la récolte commerciale des algues.
À la base de la chaîne alimentaire, les algues sont consommées par les gastéropodes brouteurs, des bigorneaux et des petits organismes qui vont ensuite à leur tour être mangés. Si on enlève les algues, il y a disparition de ces organismes brouteurs et des organismes supérieurs. La récolte des autres algues et l’augmentation des températures favorisent l’apparition des algues vertes sur les supports disponibles – leur croissance augmente avec l’apparition de nitrates dans l’eau. Les algues vertes sont des algues opportunistes qui se développent souvent au détriment d’autres algues, elles entrent en compétition avec les algues qui auraient dû s’installer s’il n’y avait pas eu disparition de la canopée et disponibilité de substrats. Elles « gagnent » souvent le terrain parce qu’elles sont beaucoup plus résistantes et qu’elles ont une croissance beaucoup plus rapide que les autres algues. Elles sont actuellement à l’étude pour être utilisées en tant que biocarburant. »
« Je suis géophysicien, ingénieur réservoir et chercheur à l’IFPEN (Centre français de recherche et de formation pour l’énergie, les transports et l’environnement). Je contribue au développement de méthodologies qui permettront aux ingénieurs d’exploiter au mieux les réservoirs d’hydrocarbures, en positionnant des puits dans des endroits appropriés et en poussant le pétrole à la surface de la manière la plus efficace possible. En caractérisant la formation géologique contenant le pétrole et aidé par des outils informatiques, nous visons à adapter individuellement le schéma de débit à chaque réservoir. Nous sommes extrêmement gaspilleurs ; de manière générale nous ne parvenons, au mieux, qu’à extraire 30% à 40% du pétrole disponible. L’enjeu est de pouvoir développer des techniques plus efficaces. 1% de pétrole en plus représente deux ans de consommation mondiale en plus. C’est un métier extraordinaire ; chaque jour, on apprend et échange avec les autres. Il y a deux ans, lorsque j’ai reçu un prix de l’Académie des Sciences, ma plus jeune fille s’est exclamée: « Maman est une championne! »
Il faut plusieurs millions d’années pour que les dépôts organiques mûrissent et produisent un pétrole qui migre de la roche mère vers la surface, où il se retrouve piégé dans la roche réservoir dont il sera extrait. Beaucoup de choses que nous utilisons dans notre vie quotidienne sont dérivées de cette huile, de l’essence aux plastiques et aux cosmétiques. Les hydrocarbures peuvent être trouvés sous différentes formes: le gaz et le pétrole, qui ont des viscosités variables. Lorsqu’il est très visqueux, nous l’appelons bitume. On le trouve principalement au Venezuela et en Amérique du Nord. IFPEN, nous travaillons également sur d’autres types d’énergie. Nous étudions le stockage d’énergie, par exemple l’utilisation de l’air comprimé pour réguler la production d’énergies renouvelables, dont l’inconvénient est leur caractère intermittent. Nous sommes également intéressés par le stockage souterrain de CO2. Notre rôle est d’assurer l’optimisation des ressources, une réalité indéniable. »
« Partager le message de la science avec le grand public était le but même de mon cursus: un Master en science des nutriments – qui m’a donné une solide formation scientifique – complété par un diplôme en communication. J’avais passé six ans à travailler pour un acteur clé de l’industrie laitière mondiale lorsque j’ai décidé de fonder ma propre agence de communication à Laval, en France; c’était il y a quinze ans.
Mon travail consiste maintenant à ajouter de la valeur scientifique aux entreprises de transformation des aliments et aux gammes de produits de santé, ainsi qu’à transmettre le message de la science à divers publics, y compris le consommateur moyen, les médias et les principaux prescripteurs de soins de santé. J’ai récemment obtenu un diplôme complémentaire en nutrition à l’Université René Descartes à Paris, une expérience qui m’a amené à publier Mince Alors! (Odile Jacob), un livre dont je suis extrêmement fière ; c’est un symbole du type de contenu scientifique que chacun et chacun peut faire soi-même, pour mieux manger, tout en cultivant le plaisir de la nourriture.
L’organisation du lieu de travail a été faite par des hommes, pour des hommes; les femmes doivent encore commencer à exprimer ce qui leur convient vraiment. Après six années intenses et stressantes passées à travailler pour une entreprise mondiale, j’ai finalement trouvé un soulagement après avoir créé ma propre agence. En contrôlant mes propres horaires et en dirigeant mes propres projets, j’ai redécouvert à la fois sérénité et plaisir dans mon travail. J’ai construit une équipe entièrement féminine dans laquelle chacun de mes douze employés doit se demander comment organiser au mieux sa charge de travail et comment la concilier avec sa propre vie personnelle. Nous incarnons l’égalité des genres, dans le sens où la plupart des acteurs corporatifs avec lesquels nous interagissons sont des hommes: en associant leurs équipes exclusivement masculines à la mienne, nous équilibrons les projets, les idées et les compétences nécessaires pour réussir et faire de la parité des sexes une réalité indéniable. »
« Comment pouvons-nous construire une salle de concert qui sonne bien? J’ai rédigé une thèse sur l’acoustique, sur la qualité sonore des salles de concert, en développant des indicateurs qui s’appuient sur les formes et les matériaux. Aujourd’hui, j’enseigne l’acoustique à des étudiants en génie civil afin qu’ils puissent rendre les bâtiments plus confortables. Je travaille actuellement sur des espaces urbains et je m’intéresse aux nuisances sonores liées aux transports. Avec les avionneurs, j’essaie de réduire les signatures sonores des bruits de moteur susceptibles d’attirer l’attention. Les avions sont maintenant 15 ou 20 dB plus silencieux que ceux des années 1960, mais il y a trois fois plus d’avions aujourd’hui et le confort des résidents locaux n’a pas été amélioré. Nous travaillons sur la réduction du mouvement des avions (un gros avion pourrait remplacer plusieurs petits) et sur les procédures d’approche.
Je m’intéresse également à la qualité de l’environnement sonore urbain. Il existe une directive européenne qui oblige les grandes villes à mettre en œuvre des plans d’action pour protéger leurs zones calmes. Nous devons déterminer ce qu’est un quartier calme et comment il est perçu par les résidents locaux. Un endroit calme est perçu différemment par différentes personnes en raison de leurs attentes personnelles. Pour certains, c’est une zone de loisirs, pour d’autres, c’est une zone naturelle ou même silencieuse. La relation entre un être humain et son monde sonore dépend massivement de la personne, de la culture dans laquelle il vit et des sons auxquels il est exposé. Avec d’autres partenaires, notamment l’IGN, je travaille à la définition d’indicateurs de qualité perçue du son (et non du bruit), qui seront utiles aux architectes et urbanistes, et à les représenter via des cartes faciles à comprendre par le grand public.
» Les échos de photons m’ont amené à faire des échos de spin, qui sont la base de l’imagerie par résonance magnétique (IRM), qui nous permet de voir le corps humain d’une manière complètement transparente. Pour moi, cela a signifié un changement de discipline de la physique à l’informatique. J’ai fait une thèse en informatique sur l’analyse d’images, et je suis progressivement venu vers les moteurs de recherche – avec une particularité: la recherche d’informations à travers du contenu visuel. Comment rechercher une image, un visage ou un contenu visuel sans avoir de mots-clés? Aujourd’hui, les recherches impliquent dans une large mesure l’analyse de contenus multimédias, et c’est ce à quoi j’ai participé ces dernières années à l’INRIA, où j’ai dirigé une équipe de recherche. L’INRIA est l’Institut national de recherche en technologies de l’information et en automatisation. Il a été créé en 1967 dans le cadre du plan Calcul, un programme du gouvernement français pour promouvoir l’autonomie française en informatique et technologies de l’information.
Ikona-Maestro est une plateforme informatique développée par notre équipe, qui nous a permis de développer des applications de reconnaissance des espèces végétales, dont une application mobile pour identifier les espèces photographiées. Il est utile tant pour le grand public que pour les professionnels de la conservation des espèces protégées. Une autre application de nos recherches visuelles a été conçue en partenariat avec le ministère de l’Intérieur pour lutter contre la pornographie enfantine. L’un de mes objectifs actuels à l’Institut de la société numérique (ISN) est de rassembler des experts de différentes disciplines – avocats, sociologues et économistes, ainsi que des experts du numérique – pour encourager la confiance et l’adoption des technologies numériques par le grand public. L’objectif principal est de faire correspondre les points de vue des scientifiques avec ceux des décideurs politiques et industriels.